Consommer bio, Made in France, local... : 150 000 emplois à la clef

La consommation responsable s’est fait une place de choix dans la société. Préoccupations éthiques, environnementales, recherche d’une meilleure qualité de vie, d’une bonne santé… Quelles que soient les motivations des ménages français, ces nouveaux modes de consommation aurait un autre effet, moins attendu celui-ci : la création d’environ 150 000 emplois.

Selon un rapport publié par le Conseil d’orientation pour l’emploi (COE), environ 150 000 emplois pourraient voir le jour grâce aux nouvelles tendances de consommation « raisonnée », et aux préoccupations sur la traçabilité, la transparence, l’origine, la composition, les effets sur l’environnement des produits... Mais on n’a jamais rien sans rien, et ces créations de postes demandent quelques compromis.

Pour créer ces emplois, le COE rappelle qu’il faudrait relocaliser en France une partie des biens que l’on importe actuellement pour notre propre consommation. Autrement dit, il faudrait plébisciter encore davantage le Made in France et les circuits courts, le consommer local, les initiatives sociales et solidaires, les nouvelles filières d’excellence et les savoir-faire français, les produits de terroir, plus verts, bios, la revente d’occasion ou le réemploi.

33 euros par ménage et par mois : la condition pour plus d’emplois

Précisément, pour que la relocalisation des biens que l’on consomme ait un effet sur la création d’emplois (et donc le chômage), il faudrait acheter 10 % de plus à l’échelle locale et nationale plutôt que d’acheter des produits d’importation. Une démarche qui coûterait 33 euros par mois aux ménages français, soit 11,2 milliards d'euros au total. Or, si trois Français sur quatre se disent prêts à payer plus cher pour consommer du « Made in France » (sondage Ifop, 2017), la COE constate dans la pratique que les importations de biens ont plutôt tendance à augmenter.

Consommer moins mais plus Français : 150 000 emplois

La COE a ébauché deux scénarios : les produits français étant « plus chers » en moyenne, les ménages peuvent agir de deux manières différentes. Soit ils consomment ces produits en plus faible quantité, soit ils consomment autant qu'avant mais doivent réduire d'autres dépenses. Dans le premier cas, où les ménages consomment globalement moins mais davantage de produits français, l'étude évalue le potentiel de créations nettes d'emplois à environ 150 000 postes.

Consommer autant mais rogner sur d’autres postes de dépense : 155 000 emplois

Dans le second scénario, deux phénomènes sont à l'œuvre. Si les Français veulent consommer autant qu'avant, la facture s’élèvera à 2,4 milliards d'euros supplémentaires pour biens concernés. Une somme qu’ils ne peuvent donc plus dépenser sur d'autres postes de consommation. Le COE estime alors que cette économie se ferait sur les « services ». In fine, 190 000 emplois seraient créés par la relocalisation, mais 35 000 emplois seraient détruits dans les services, soit un solde net de 155 000 créations.

En l’occurrence, quel que soit le comportement du consommateur, l'effet sur l'emploi reste positif et tourne autour de 150 000 créations. Selon le COE, « il est même permis de considérer que ces créations nettes d'emploi auraient un effet d'entraînement sur l'ensemble de l'économie ».

Quels métiers sont concernés ?

Les impacts concernent quasiment tous les secteurs d’activité. Si l’on prend la consumation de produits en circuits courts par exemple, elle entraîne, chez les producteurs, des activités supplémentaires et des besoins de main d’œuvre en logistique (préparation des commandes, distribution au domicile ou sur le lieu de vente), transport, marketing et promotion des produits, gestion administrative : de nouveaux emplois auparavant gérées par les grossistes et les distributeurs. La vente en circuit court peut également être l’occasion pour l’exploitant de commercialiser des produits à plus haute valeur ajoutée, notamment des produits transformés. Qui dit activités de transformation dit nouveaux besoins en main d’œuvre avec à nouveau des enjeux de compétences : maîtrise des techniques et connaissances des normes sanitaires.

Quant aux structures qui permettent la vente en circuit court, elles peuvent aussi être pourvoyeuses d’emplois : au sein des Ruches, des magasins de producteurs, des coopératives biologiques, etc. Plus globalement, acheter local revient à changer ses habitudes de lieux d’achats, et donc soutenir l’emploi au sein des commerces de proximité comme les boulangeries, boucheries, primeurs ou encore épiceries.

Enfin, les circuits courts peuvent aussi être des sources de créations d’emplois indirectement en participant à l’attractivité notamment touristique du territoire mais aussi via l’effet multiplicateur local.

Des emplois pour la plupart pérennes, non délocalisables, dont le niveau de qualification augmente.

Trouver les bons profils pour répondre à la demande

Cette théorie de créations d’emploi pourrait toutefois être freinée par le manque d’offre et de compétences. Comme l’explique la présidente du COE Marie-Claire Carrère-Gée, tout ceci ne peut se concrétiser qu'à « condition que l'offre productive française soit au rendez-vous en volume, en compétitivité, en compétences ». A titre d’exemple, le bio symbolise parfaitement aujourd’hui ce fossé entre la demande des ménages et la réalité du marché. Sa consommation progresse à toute vitesse mais ses importations aussi car l'offre française n'est pas complètement au rendez-vous.